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coussins nombreux et variés. Çà et là quelques X de Cèdre supportaient des cartons à estampes, et une table liseuse, aux pieds torses, à sabots d’or, occupait le centre de la salle. Au plafond, d’une rosace ayant la bizarrerie obscène de certaines gargouilles moyen âge, tombait un lustre de bronze d’une si effrayante lubricité qu’on l’eût dît ciselé par quelque Benvenuto Cellini atteint de satyriasis.

Cette Bibliothèque me parut renfermer près de deux mille volumes dont je m’approchais déjà curieusement afin d’en parcourir les titres, lorsque, souriant et paternel, le Chevalier de Kerhany m’arrêta :

« Mon jeune ami, me dit-il doucement, cette bibliothèque est un enfer bibliographique dont je suis le Pluton égoïste ; ici, j’ai donné rendez-vous à tous les affamés du vice, à tous les grotesques de libertinage, à tous les condamnés de l’indignation bourgeoise, aux conceptions maladives et honteuses des cerveaux surmenés de plaisirs. Peu de visiteurs ont franchi cette enceinte ; quelques jolies pécheresses seules y ont trame l’élégance de leurs pantoufles ; et si une sympathie particulière me permet aujourd’hui de faire en votre faveur ce que je n’ai fait jusqu’alors pour aucun autre Bibliophile, votre érudition sage vous placera, je l’espère, au-dessus de vos sens ; cependant, je crois devoir vous prévenir : réfléchissez comme si vous alliez prendre de l’opium pour