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qui parloit n’estoit pas Hylas, et luy ayant respondu qu’ouy, elle revint vers Daphnide, et s’approchant à son oreille, luy dit : Madame, vous parlez à Hylas sans le cognoistre. L’Estrangere changeant de couleur, et se mettant une main sur le visage, comme de honte d’estre veue de luy, revestue de ces habits, se recula un pas ou deux, s’écriant : Mon Dieu ! Hylas, que l’habit que vous portez vous change ! Je ne sçay si le mien m’en fait autant ? Lors Hylas s’approchant d’elle, il la considera attentivement, si bien que quoy qu’il y eut long temps qu’il ne l’eust veue, et que l’habit de bergere la changeast beaucoup, si la recogneut-il pour Daphnide, estimée la plus belle dame qui fust en Arles, ou dans la Province des Romains, de quoy il demeura si estonné, qu’il ne sçavoit s’il songeoit, ou s’il veilloit.

En fin, apres estre demeuré fort long temps à la considerer, il se retira d’un pas, et plus ravy en admiration qu’il ne se peut dire, se mit à la regarder, et à la considerer, sans pouvoir proferer une seule parole. Dequoy l’autre estrangere s’appercevant : C’est sans doute,dit-elle,que voicy la contrée des merveilles, puis que j’y vois des bergeres qui surpassent les personnes plus civilisées, des beautez sans curiosité, et ce qui est de plus merveilleux, des Hylas sans parole. Hylas à ce mot tournant les yeux sur celle qui parloit, il la recogneut pour estre Carlis, et l’autre Stiliane, et Hermante avec eux. Cette veue le