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non seulement son bien et son mal, mais le vostre aussi, d'autant que je veux bien croire que peut-estre vous n'avez point de ressentiment de la peine qu'Amour luy donne, encores qu'il soit bien difficile de se voir aymée et servie discrettement par un si accomply berger, sans avoir de la bonne volonté pour luy ; mais, que s'en soit, penseriez-vous vous exempter de toute la peine et ne rien contribuer à ses incommoditez ? Vous vous trompez, sage bergere, si vous avez ceste opinion, car si vous luy deffendez de vous aymer il n'en fera rien et vous devez estre tres-asseurée qu'il vous desobeira, et si par vos rigoureuses paroles vous luy commandez de vous esloigner, la violence de son affection en donnera tant de recognoissance à toute la contrée, qu'il n'y aura peut-estre berger qui ne l'apperçoive.

Et voicy le mal que je vois inévitable, si vous ne prenez quelqu'autre resolution. Tous ceux qui cognoissent Silvandre le jugent berger si aimable, qu'il n'y en a gueres qui pensent que la bergere qu'il aymera, si elle a de l'esprit, le puisse dédaigner, et quelle opinion pourra-t'on avoir de Diane, que chacun tient pour avoir tant d'esprit et de jugement, lors qu'ils sçauront que ce gentil berger l'ayme, la sert et l'adore avec tant d'affection ? Vous la pouvez juger aussi bien que moy, et vous resoudre à mesme temps de servir d'entretien à toutes les assemblées qui se feront. J'avoue qu'il y a