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de la voix de ce berger ? - Qu'elle est tres-belle, luy respondit Alexis, et luy, fort gentil berger, et non pas tant toutesfois qu'il est parfaictement amoureux. - Madame, respondit Diane, rougissant et sousriant un peu, vous pourriez peut-estre bien vous tromper au jugement que vous en faictes, car ces bergers de Lignon, sous l'innocent habit qu'ils portent ne laissent pas de couvrir une ame assez feinte et deguisée. - Je pense bien, adjousta la druide, que cela pourroit estre en quelques-uns, mais je suis tres-asseurée que je ne me trompe point en la creance que j'ay de celuy-cy. - Laissez luy dire, madame, interrompit Phillis, qu'en son ame elle en croit autant que vous, et que si les bergeres de Lignon n'estoient pas plus dissimulées que ce berger, elle-mesme ne parleroit pas de la sorte qu'elle faict. - Vrayement, ma sœur, reprit Diane, vous estes bien jolie de me traitter ainsi en la presence de cette belle druide, et quelle opinion luy donnerez-vous de moy ? - N'ayez peur, dit Alexis en sousriant, que ces paroles me puissent faire croire de vous chose qui vous soit desavantageuse ; j'ay assez de cognoissance de la vertu et des merites de Diane, outre que la dissimulation est quelquesfois si necessaire à celles de nostre sexe, qu'elle leur doit tenir bien souvent lieu de vertu. Il est vray que, puis que nous en sommes venues si avant, permettrez-vous, ma belle fille, à mon amitié de vous dire ce que desja elle a presenté sur ce mesme discours à vostre chere