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incontinent l’Estrangere, afin que l’un me defaillant, je puisse recourre à l’autre ?– C’est, respondit Astrée, le temps et les effets. – Encore, dit Daphnide, que chacun le die comme vous ; si tiens-je cette cognoissance bien incertaine et certes je le puis dire, comme y ayant esté trompée. – Si cela nous estoit avenu, reprit Diane, nous y userions d’un autre remede. – Et quel est-il ? dit l’Estrangere. – C’est de ne plus rien aymer du tout, respondit Diane. – Voilà, dit Alcidon, un remede bien injuste, puis qu'il punit l’innocent, et ne chastie point le coulpable ; car celuy qui a trompé une bergere en feignant de l’aymer, ne se soucie pas de n’estre point aymé d’elle, et par ainsi il ne reçoit point de chastiment de sa faute, et si de fortune elle vient à estre bien aymée de quelqu’autre, luy qui n’aura point offensé en portera toute la peine. – Voilà, gentil berger, interrompit Hylas, comme nos bergeres sont aussi injustes, que vous les voyez estre belles, et si pour tout cela, nous ne pouvons nous empescher de les aymer ; jugez ce que nous ferions si elles avoient l’esprit aussi doux que le visage.

L’une de ces bergeres oyant parler Hylas de cette sorte, commença à tenir les yeux arrestez sur luy, luy semblant de le cognoistre ; et sans doute, sans l’habit qui le déguisoit un peu, elle n’eust pas demeuré si long temps en cette peine. Mais en fin pour ne se point méprendre, elle s’addressa à Thamire, et luy demanda assez bas, si ce berger