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tu de cette belle, et ne luy demandes-tu pardon, en luy rendant ce Celadon qui est à elle et que les habits d'une Alexis luy ont desrobé ? Voicy, luy diras-tu, ce berger qui vous a tant aymée, voicy ce Celadon qui, encores enfant, vous a donné son cœur : tenez-le, il le vous rapporte maintenant pour ne rien retenir qui ne soit à luy, vous l'avez autrefois tant aymé ! Si Celadon a fait quelque chose qui vous ait offensée, il ne veut pas pour la faute de ce berger estre privé du bien d'estre aupres de vous. Il le veut laisser, ce malheureux et infortuné Celadon, mais pour luy donner le moyen de sortir du lieu où il est enfermé, ouvrez cet estomac qu'il vous presente, et avec la mesme main, prenez-y ce qui est à vous et qui pour certain n'a point consenty à aucune offence que vous puissiez avoir receue, et, en luy disant ces mots, nous nous jetterons à genoux devant elle, et luy presenterons l'estomac nud, afin que, s'il luy plaist, elle en retire le cœur qui l'aime et qui l'adore, et qui ne peut avoir repos sinon entre ses belles mains.

A ce mot, cette druide toute transportée s'avança comme voulant effectuer cette pensée, et peut-estre à ce coup elle se fust descouverte, n'eust esté que se reprenant elle-mesme, elle se dit tout à coup : Ah ! Celadon, veux-tu donc sur la fin de ta vie desobeyr au commandement que cette bergere t'a faict ? Veux-tu que l'on te puisse reprocher que quelquefois tu ayes manqué aux