Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/964

Cette page n’a pas encore été corrigée

le malheur
Dans le bien et dans la douleur
Emporte sur nous la victoire,

Mon coeur, que sera-ce de nous ?
Et qui desormais pourra croire
Que nous puissions souffrir ces coups ?

Cette pensée occupa de sorte Alexis que, sans y prendre garde, le soleil estoit desja fort haut, et n'eust esté que la bergere Astrée se tourna sans y penser d'un autre costé, et par ce moyen luy osta cette agreable veue, elle y eust bien esté retenue encore plus long-temps, mais privée de la clarté de ce beau soleil, elle demeura comme l’œil dans les tenebres, luy semblant que l'obscurité estoit par tout, puis que l'on luy avoit caché ce que seulement elle jugeoit digne d'employer et de retenir sa veue.

En fin ne pouvant plus demeurer dans ces impatiences, elle sort doucement hors du lict, s'habille sans faire bruit, et s'approchant du lit d'Astrée, elle la vit tournée du costé de Leonide, ayant le bras droict estendu sur elle, et la joue appuyée sur son espaule. Quelle jalousie, ou plustost quelle envie ne conceut-elle point contre la nymphe ! O Dieu ! disoit-elle en soy-mesme, trop heureuse Leonide ! comment peux-tu dormir ayant aupres de toy tant d'occasion de veiller ? peux-tu clorre les yeux, et les employer à autre chose qu'à regarder les beautez que chacun