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qu'elle cachoit avec tant de peine qu'il estoit bien mal-aisé qu'on s'en peust prendre garde. Ayant donc bien rejoint sa chemise sur son estomac, et les manches de la chemise, de peur qu'on s'aperceust de ce qu'elle portoit au bas, elle ouvrit les rideaux du costé où se deshabilloit Astrée, et appellent Leonide : Ma sœur, luy dit-elle, vous m'obligeriez beaucoup si vous veniez vous deshabiller icy, pour m'empescher de m'endormir que vous ne soyez toutes au lit.

Leonide qui cogneut bien pourquoy elle le disoit : Je le veux, dit-elle, mais il faut donc que ces belles filles me tiennent compagnie. Et lors toutes trois s'approcherent de son lict. Leonide s'assit en un siege au chevet, et Astrée sur le lict, cependant que Diane alloit portant sur la table ce que Leonide posoit. Quant à Alexis, s'estant un peu relevée sur le lit, elle aidoit à Astrée, luy ostant tantost un nœud, et tantost une espingle, et si quelquefois sa main passoit pres de la bouche d'Astrée, elle la luy baisoit, et Alexis, feignant de ne vouloir qu'elle luy fist ceste faveur, rebaisoit incontinent le lieu où sa bouche avoit touché, si ravie de contentement que Leonide prenoit un plaisir extreme de la voir en cet excés de bon-heur.

Une grande partie du reste de la nuict se passa de cette sorte, et n'eust esté qu'elles ouyrent les oyseaux qui commencoient de se resjouyr à la venue du nouveau jour, mal-aisément se fussent-elles separées. Encore fust-ce avec une grande peine que Leonide fit resoudre Alexis de laisser