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vouloit continuer, elle luy dit : C’est assez, Alcidon. Si vous voulez que je m’arreste ici plus longtemps, je vous prie, cessez ou changez de discours, et croyez que ceux-cy ne vous acquerront jamais rien de plus advantageux envers moy qu’un accroissement de mauvaise volonté. – II y a long-temps, respondit le berger, que si je n’avois non plus d’esperance en la justice d’amour qu’en la vostre, je n’aurois pas seulement cesse de parler à vous, mais aussi de vivre. – Et quelle esperance est la vostre, dit Daphnide, puis que s’il estoit juste, ce dieu de qui vous parlez, il y a long-temps que vous serviriez d’exemple à tous ceux qui ont la hardiesse de l’outrager ? – N’offensez point, dit Alcidon, celuy de qui la puissance ne se mesure qu’à sa volonté et de qui le pouvoir ne vous a point tousjours esté tant incogneu, que vous le deviez maintenant mespriser comme vous faites. La bergere eust repliqué, n’eust été qu’elle vid approcher cette troupe qui luy donna sujet de se taire.

Astrée et le reste de la compagnie qui avoient ouy ce que ces estrangers avoient chanté, et entr’ouy une partie de ce qu’ils avoient dit plus bas, conviez de la beauté de la bergere et de la bonne mine et gentille disposition du berger, tant pour satisfaire a leur curiosité, qu’au devoir, auquel les loix de l’hospitalité religieusement observées en cette contrée les obligeoient,