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reprit Hylas, c'est dommage que nous n'aymons tous deux une mesme bergere, car nous nous accorderions fort bien, toy avec les faveurs qu'elle te pourroit donner des pensées et des imaginations, et moy avec celles que ton amour remet à cet instinct de la nature.

Alcidon et la pluspart des bergers se mirent à rire de la plaisante humeur d'Hylas, et Silvandre mesme, qui enfin luy respondit : O Hylas ! si tu sçavois aymer, tu ne parlerois de ceste sorte, ny ne confondrois pas toutes choses comme tu fais. Quand mon ame vid en sa pensée et en ses contemplations, laisse-t'elle pour cela de donner la vie à ce corps qu'elle anime ? nullement. Le soleil qui est, comme nous avons dit, le vray symbole de l'amour, esclairant les choses celestes, laisse-t'il de jetter ses rayons sur les corps qui sont ça bas ? Et pourquoy veux-tu que l'amour esclairant nostre entendement, et formant les pensées de nostre ame, ne donne pour cela les desirs aux corps qui luy sont naturels ? Non, non, Hylas, il n'y a que ceste difference : ceux qui ayment comme je fais, ils n'ont les desirs desquels tu parles, que parce qu'ils ayment, mais ceux qui ayment comme toy, ils n'ayment que parce qu'ils ont ces desirs.

- Mais, Silvandre, adjousta Stelle, qui estoit un peu piquée, ne m'advouerez-vous pas que, puis que vous avez comme que ce soit ces desirs, vous estes grandement outrecuidé, quand vous regardez qui vous estes, et qui est