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La premiere anime le corps, le fait marcher, parler, manger, et luy fait faire toutes ces actions lesquelles tu as recogneues en moy, avant que j'eusse eu le bonheur d'aymer Diane ; et l'autre donne la vie à l'ame, et fait que veritablement elle vid en elle-mesme, car elle luy esclaire l'entendement, luy forme ses imaginations, et attire et occupe toutes ses volontez. Or la premiere sorte de vie est commune à l'homme avec tous les animaux, car tous en vivant produisent les mesmes actions, mais l'autre, le relevant par dessus tout ce qui a corps, luy donne une autre espece de vie, qui est commune avec ces pures pensées desquelles nous avons parlé. Et maintenant tu vois, Hylas, que si j'ay dit qu'amour donne la vie aux ames, je n'ay pas pour cela dit que le corps fust mort, et qui est cette mort de laquelle tu veux parler, car j'eusse dit des choses impossibles, impossibles, d'autant que nul ne peut mourir qui auparavant n'a vescu, mais celuy qui n'a jamais aimé, par cette raison n'auroit jamais vescu ? Ne me demande donc plus comment j'ay fait, estant mort, à parler, à chanter, et courre, et à luiter, car toutes ces actions dependent d'une vie de laquelle amour ne daigneroit se mesler.

- Et quoy, respondit Hylas, vostre amour, à ce que je vous oy dire, ne se mesle que des choses de la pensée et de l'imagination. - Il n'y a point de doute, repliqua Silvandre, que les autres, il les laisse à l'instinct que la nature donne à chacun. - Or, Silvandre,