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la nature vous a faite fille, il n'y a point de doute qu'en cette qualité vous ne soyez aimable, et beaucoup plus que Silvandre. Mais d'autant qu'il vous deffaut les autres choses à vous faire aimer, et lesquelles nostre juste juge a recogneues en moy, elle a declaré que je me sçay mieux faire aimer.

Et cela, bergere, si vous l'entendez bien, est tres-juste, et nullement à vostre desavantage, car il faut considerer le personnage que nous faisons tous trois. Diane est celle qui reçoit nos services et nos passions, et vous et moy, la servons et la recherchons. Le propre de l'homme, c'est de servir, de rechercher, et d'adorer une belle maistresse : je fais donc envers Diane ce que je dois faire comme homme, et ma maistresse, en recevant mes services et mes vœux, elle fait ce qu'elle doit faire comme fille ; mais vous, en recherchant d'amour ma maistresse, vous faites le contraire de ce que vous devez faire, et par ainsi vous ne devez pas trouver estrange, si encore que vous soyez plus aymable, Silvandre toutefois se sçait mieux faire aymer que vous, puis qu'il faict ce pourquoy il est nay, et vous, tout le contaire, puis que les filles ne doivent pas rechercher, mais estre recherchées. Et pour vous monstrer que nostre juste juge l'a ainsi entendu, considerez que vous ostant du lieu où vous estiez, elle vous a mis en sa place, pour vous monstrer que vous ne deviez pas faire le personnage de celuy