Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/923

Cette page n’a pas encore été corrigée

a bien rapporté fidellement la verité, lors qu'elle a dit que les trois lunes estans escoulées, Diane devoit juger qui de Phillis et de moy se sçavoit mieux faire aimer ; car toute nostre gageure fut fondée sur le reproche que Phillis me faisoit que l'occasion pourquoy je n'entreprenois de servir pas une de nos bergeres, c'estoit pour recognoistre le deffaut que j'avois des choses qui peuvent faire aimer. Et sur ce que je soustenois que ce n'estoit que faute de volonté, je fus condamné, et elle aussi, à servir trois lunes entieres ceste belle Diane, et qu'apres elle jugeroit qui de nous deux se sçauroit mieux faire aimer.

Cecy estant bien entendu, je croy qu'il n'y a personne qui incontinent ne voye que par les paroles de cette belle Diane, j'ay obtenu ce que je pretendois, puis qu'elle a prononcé ces mesmes mots : Nous disons et declarons que Silvandre se sçait mieux faire aymer que Phillis. Qu'est-ce que j'ay plus à demander, ayant receu ce jugement si clair, et en paroles qui ne pouvoient estre plus intelligibles ? Et toutesfois à ces paroles elle a voulu adjouster les actions, telles que personne ne les peut considerer, sans incontinent avouer ma victoire. Elle fait deux choses : l'une luy met la couronne sur la teste, et l'autre m'ordonne de baiser sa belle main ; toutes deux des faveurs si grandes, que je ne sçay s'il y en a qui les peussent surpasser. Car Phillis, à qui donne-t'on la couronne sinon à celuy qui a vaincu ? Et à qui les belles