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en moy les merites estre plus solides et durables, elle ne veut pas me laisser cette marque des choses si tost perissables. Et afin que tu le cognoisses encore mieux, ne voulant qu'il y aye quelque chose qui demeure sans recompense, considere, Silvandre, quelle est celle qu'elle t'a donnée, et quelle est celle que j'ay eue pour le service que nous luy avons rendu. A toy, elle a ordonné que tu luy baiseras la main, qui est une gratification que l'on fait aux esclaves, et à ceux que nous estimons peu ; mais à moy, elle ceda sa place, pour monstrer qu'elle ne peut rien faire d'avantage. Cette naturelle opinion estant née en chacun, que nul ne juge personne valoir plus que luy-mesme ne vaut, elle a voulu faire voir que toutes fois elle me cede, puis qu'elle me quitte la place qu'elle avoit, ou bien pour te faire cognoistre qu'elle juge que tu me dois ceder autant qu'à elle qui souloit estre au lieu où elle m'a eslevée. Or vante-toy maintenant, Silvandre, de l'advantage que tu pretends avoir receu en ce jugement, garde bien le souvenir de la grande victoire que tu as obtenue aujourd'huy, et va au temple de la bonne Déesse marquer le clou que l'on y a mis cette année, afin qu'à l'advenir tu sçaches en quel temps tu as esté victorieux.

A ce mot, Phillis se teut, et lors que Silvandre voulut respondre, Hylas le devança en disant : Si c'est à moy à dire mon advis, je declare que Phillis