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nous sommes tous icy pour luy en dire nostre advis.

Alors Phillis : Est-il possible, dit-elle, Silvandre, que tu sois tellement preoccupé de l'amour de toy-mesme, que tu ne voyes point une chose si claire que celle que tu me debats, m'asseurant qu'il n'y a icy personne qui ne juge bien que tu n'as point de raison, ou bien si seulement ce que tu en fais n'est que pour monstrer la subtilité de ton esprit ? Se pouvoit-il parler plus clairement que Diane ? Je declare, a-t'elle dit, que Phillis est plus aimable que Silvandre. Et pour esclaircir encores mieux son jugement, elle adjouste l'honneur de me mettre en son siege, pour te faire entendre qu'il y a autant de difference de toy à moy, qu'il y en a de toy à Diane, et que pour ce regard, tu ne me dois porter le mesme respect et le mesme honneur. Et pouvoit-elle faire d'avantage pour monstrer ma victoire, ny la declarer avec des paroles plus expresses ? Au contraire, si elle a dit que tu te sçavois faire aymer, c'a esté pour faire entendre que tu es plus plein d'artifice que je ne suis pas, et en cela je l'advoue, mais c'est d'autant qu'une chose qui est aymable de soy-mesme n'a point de besoin d'artifice pour se faire aymer. Que si elle t'a fait present d'un chapeau de fleurs, et si elle m'a ordonné de rendre le mien à celuy qui l'avoit donné, n'a-t'elle pas voulu faire voir que les choses qui sont aimables en toy, ne sont que des fleurs qui naissent et meurent en un jour ? Et parce qu'elle juge