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par dessus eux, qu’ils puissent aimer ce qui leur est égal ; je m’asseure qu’il n’y a personne qui pour le moins ne confesse, qu’il est honteux de s’abbaisser à l’amitié de ce qui est moins que nous ne sommes. Que si cela est vray ; comment pourrait-on estimer le corps digne d’estre aimé de l’ame, puis qu’il est si vil et abbaissé par dessous elle ? Mais outre que cette amour est honteuse, je tiens qu’elle est impossible, ou pour le moins insensée, si nous voulons y adjouster les conditions que la vraye amour doit avoir. Car celuy qui aime, n’a point de plus violent desir que d’estre aimé de la chose aimée ; mais n’est-il pas impossible que celuy qui n’ayme que le corps, en soit aimé, d’autant que l’amour peut estre seulement en l’ame ? Et par là ne vois-tu pas, Hylas, que ceux qui aiment le corps, sont imitateurs de la folie de Pigmalion, qui devint amoureux d’un marbre ? Aussi pour monstrer que cela ne se doit point, la nature y repugne, et je m’asseure que tu l’avoueras si l’on te le demande ; car confesse la verité, Hylas, si Alexis estoit morte, en aimerois-tu le corps ? Et parce qu’il ne respondoit point : Tu es muet, continua Silvandre, est-ce la verité qui te confond, ou la honte d’avoir eu une si mauvaise opinion ? – Ny l’un ny l’autre, dit Hylas, mais que veux-tu que je te responde ? Penses-tu que je sois un devineur ? Ne sçais-tu que quand les yeux voyent