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nous l’a dit : les desguisemens, a-t’elle dit, et les feintes recogneues apportent de la haine. Mais Diane sçait que toutes tes recherches ne procedent que de la gageure que tu as faite, et que tout ce qui s’en est ensuivy n’est que par feinte, donc elle te doit vouloir mal.

Voyez vous, ma maistresse, comme elle a pensé qu’en cette gageure je n’userois que de feinte et de dissimulation, et puis l’on est louable ou blasmable par l’intention. Ne la condamnerez-vous pas coulpable de tous les desguisemens, de toutes les dissimulations et de toutes les feintes dont elle m’accuse, et desquelles elle pensoit que je me deusse servir ?

Et n’ay-je pas juste raison de dire : C’est vous, ô Phillis, qui par la gageure m’avez donné feintement à cette belle Diane, mais c’est mon cœur qui veritablement m’a donné à elle par la cognoissance qu’il a eu de ses perfections ? Doncques à vous se doivent les chastimens avec lesquels les feintes et les tromperies doivent estre chastiées, et à mon cœur les faveurs et les graces qu’une veritable affection peut meriter.

Ne me dites donc plus que je vous quitte cette pretendue victoire, pour monstrer mon esprit et mon jugement : mon esprit, ayant sçeu si bien desguiser une fausse affection, sous le visage d’une veritable amour ; et mon jugement, pour avoir si bien recogneu l’avantage que vous avez par dessus moy. Car au contraire, je monstrerois à tous que je