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dire qu’elle vous soit deue ? Est-ce comme vous presupposez que vos reproches ont esté cause de cette amour, et que tout ce qui en est procedé, vous doit estre attribué comme à celle qui en est l’origine ? Prenez garde, Phillis, que cela vous estant accordé, il ne soit fort à vostre desavantage, car ceux qui sont cause du mal en doivent estre chastiez ; mais si, comme vous dites, ma maistresse se doit plustost mocquer de moy, que d’avoir esgard à ma peine, il s’ensuivra que ce sera de vous de qui elle se rira, et non pas de Silvandre, puis que vous vous en attribuez toute chose.

Mais n’ayez peur, bergere, je ne veux pas vous quitter mes justes pretentions à si bon marché. Lors que quelqu’un faict par autruy quelque chose, il faut considerer quelle est l’intention de celuy qui la faict faire, car si son intention est bonne, il ne doit point estre blasmé du mal qui en arrive, pourveu que d’ailleurs il n’en soit point coulpable, non plus que si son dessein estoit mauvais, il ne doit point avoir part à la gloire ny au profit qui en procede. Or si vous m’accordez ce que je dis (je croy que personne ne le peut nier), voyons, avant que vous donner ny louange ny blasme, quelle estoit vostre intention, lors que nostre gageure fut proposée par vous. Nous n’aurons pas, ma maistresse, beaucoup de peine à le descouvrir, car elle-mesme