Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/903

Cette page n’a pas encore été corrigée

duquel je n’ay jamais ouy parler, et duquel toutesfois je me dis librement coulpable ; car il est vray que vous avez esté non seulement la premiere et la seule que j’ay aymée, mais de plus que vous serez encore la seule et la derniere que j’aymeray jamais. Et s’il advient autrement, escoutez bien, mon ennemie, afin que vous continuyez à m’accuser de ceste faute. Et s’il advient, dis-je, autrement, ô soleil qui m’esclairez ! ô air qui me laissez respirer ! et vous, ô terre qui me soustenez et qui me nourrissez ! couvrez mes yeux d’eternelles tenebres, estouffez mon cœur parjure, et m’engloutissez dans vos abysmes comme indigne de veoir de vivre, ny d’estre veu ! Je monstreray par mon unique affection que comme il n’y avoit rien qui fust capable de m’apprendre à aymer que la seule beauté de Diane, de mesme il n’y a point d’autre cœur qui puisse jamais arriver à l’aymer ; et j’apprendray aux plus sçavans par l’eternelle durée de mon amour, qu’ils se trompent, quand ils nous enseignent que tout ce qui a eu commencement doit avoir une fin, car, ô Phillis, cette affection que vous vous vantez d’avoir veu naistre, ne vous servira pas seulement, mais tous les siecles à venir.

Que si cette unique et eternelle affection est estimable, si celle à qui elle s’adresse m’en veut faire quelque grace, et comment, bergere, pouvez-vous