moindre estincelle de celuy dont ses yeux bruslent ceux qui les voyent.
Et ne dites plus, peu experimentée bergere, que l’on peut l’aymer un peu, ou que l’on peut estre en quelque sorte à elle. Tous ceux qui l’aimeront, ce sera extremement, et tous ceux qui seront à elle, le seront entierement. Et lors que vous dites que je l’ayme un peu, vous confessez sans y penser que je suis le plus amoureux homme du monde, et par consequent qu’il n’y a rien qui se puisse égaler à la grandeur de mon affection. Que si ces paroles peuvent faire, je pense, que ce seront ceux qui ne sçauront quels sont les effects d’amour ou qui n’en auront jamais ressenty les blesseures, car les autres compatiront à mon mal par le sentiment qu’ils auront du leur. Mais à vous, Phillis, il est permis de parler de ceste sorte, et de vous moquer de la grandeur de mon affection, qui vous estes trouvée un suject incapable d’en estre touchée, ou plustost qui n’avez jamais tourné les yeux sur le suject qui peut faire mourir d’amour tous ceux qui le verront.
Mais, ma maistresse, voyez, je vous supplie, quel reproche mon ennemie me fait pour preuver que je ne vous aime point, ou pour faire mespriser mon affection, et jugez par là si elle a ouy parler quelquefois d’amour ! N’est-elle pas bien gracieuse quand elle m’accuse de n’avoir jamais rien aimé que vous, et que vous estes la premiere qui m’avez surmonté ? J’advoue que voicy un blasme