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entendez-vous ce que vous venez de dire ? Confessons luy, dites-vous, que vostre beauté l’ait attaint un peu, et que par ce moyen il soit en quelque sorte à vous. Est-il possible, si vous avez recogneu les perfections de Diane, que vous puissiez croire que l’on les puisse aimer un peu ? O ignorance de la force de sa beauté ! jamais il ne part de sa main un coup qui ne porte jusques au cœur, et le cœur n’est jamais attaint que la blesseure n’en soit mortelle. Vous pourriez parler de cette facon des communes beautez qui se remarquent en quelques autres bergeres, et lesquelles, quand elles esgratignent un peu la peau, l’on pense qu’elles ont fait une tres-grande preuve de leur force, mais de celle de Diane ? ô que les coups vous en sont bien incogneus, puis que vous en parlez de cette sorte ! Apprenez de moy, ô mon ennemie, que le lezard qu’on dit ne demordre jamais, et que la remore qui peut arrester la violence d’un vaisseau qui a le vent à pleines voiles, s’attachent avec moins de fermeté que ces perfections, depuis qu’elles ont touché un cœur. Soyez tres-asseurée que les nœuds Gordiens qu’on estimoit indissolubles, peuvent estre desnoués plus aisément que ceux desquels elle lie une ame quand une fois elle l’a prise. Et croyez pour chose tres-veritable que le feu dont nos druides nous disent que tout l’univers à la fin doit estre embrasé, cede et en grandeur et en violence à la