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voudroit tirer cette conclusion de cette sorte, pourroit de mesme dire que Phillis n’est point au monde, parce qu’autrefois elle n’y a point esté, car, bergere, s’il vous disoit : avant que de naistre, vous n’estiez point née, doncque vous ne l’estes point encore, il diroit comme vous, lors que pour preuver que je n’ayme point Diane, vous dites qu’il y a cinq ou six lunes que je ne l’aymois point. Si vous disiez qu’il n’y a pas longtemps que cette amour est née, vous diriez vray, et je l’avouerais avec vous, non pas sans beaucoup de regret d’avoir vescu un si long aage sans l’avoir employé en son service ; mais quand vous taschez de preuver que je ne l’ayme point, parce qu’il y a quelque temps que je ne la cognoissois point, et qu’est-ce dire autre chose, sinon que celuy qui n’est pas nay aujourd’huy, ne naistra jamais plus ?

Or maintenant, voyez, ma maistresse, comme elle se contredit sans y penser, mais ne vous en estonnez point, car c’est le propre du mensonge et de la calomnie de se contredire, et d’estre diverse, au lieu que la verité est tousjours une. Mais confessons luy, dit-elle, que vostre beauté l’ait attaint un peu, et que par ce moyen il soit en quelque sorte à vous. Et quoy ! Phillis, vous dites que vous avez de l’amour pour cette belle Diane, et que l’ordinaire pratique que vous avez d’elle vous donne plus de commodité d’en recognoistre les perfections, et comment