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mon juge, prenez bien garde aux mauvaises consequences qu’elle tire de ses presuppositions. J’avoue, Phillis, que c’est par gageure que j’ayme Diane, et que ceste gageure a donné commencement à mon affection, mais faut-il conclure pour cela que mon amour ne soit que dissimulation, ou que pour n’en avoir point aimé d’autres auparavant, je n’ayme point maintenant Diane ? Nullement, bergere, car encore que par gageure on coure à qui atteindra plustost le terme proposé, faut-il croire que l’on ne coure pas pour cela à bon escient ? Au contraire, n’est-ce pas la gageure, et le desir de vaincre, qui nous fait faire des efforts veritables, qui semblent presque par dessus nos forces en nous attachant des aisles aux pieds, tant la naturelle inclination que chacun a en soy de surmonter, a de force en toute personne bien née ? Ne dites donques plus, mon ennemie, que mes extremes passions, que mes trespas et mes transports soyent des déguisements, des feintes et des dissimulations ; car il est vray que j’ay aymé par gageure, mais il est encore plus certain que mon affection est tellement veritable et asseurée, que je ne suis pas plus vrayement Silvandre, que je suis avec toute verité serviteur de cette belle Diane.

Et ne faut penser qu’encores qu’auparavant je n’eusse point d’amour pour elle, maintenant aussi je n’en aye point. Qui