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qu’il tient le milieu entre ces purs entendemens et nous, d’aymer si imparfaictement que vous faites, et mesme un suject si plein de perfection ?

Je tiens pour certain que Diane, si quelquefois elle a daigné jetter les yeux sur nous, et je croy que sa douceur, sa bonté et sa courtoisie naturelle le luy a fait faire bien souvent, je tiens pour asseuré, dis-je, qu’elle n’a jamais consideré mon extreme affection sans l’estimer, ny la foiblesse de vostre amitié, sans la blasmer, car elle a veu la mienne si parfaite et entiere, et tellement exempte de toute reproche, qu’elle n’a peu moins faire que de louer grandement qu’un sexe tant imparfait que celuy des hommes, ait peu en moy comporter une si parfaite amour que la mienne. Et au contraire, elle n’a peu considerer en vous une amitié si pleine de deffauts et de manquemens, sans mesestimer celle qui est cause que le sexe des femmes, qui est de tant avantagé de la nature par dessus le nostre, soit tant inferieur en l’amour à celuy d’un homme.

Mais voicy d’autres raisons, ma maistresse, qu’elle allegue contre moy, qui ne sont guere plus à son advantage, pour m’accuser envers Amour du crime de leze-majesté. Elle dit que toutes les demonstrations que j’ay faictes de vous aymer, n’ont esté que des feintes et des desguisemens, et il luy semble de bien prouver cette calomnie, quand elle dit que c’est par gageure que je vous ayme, et qu’auparavant je ne vous aimois point. Mais je vous supplie,