outre que nous pouvons avec raison les estimer un juste milieu pour parvenir à ces pures pensées (c’est ainsi que les plus sçavans les nomment presque ordinairement), puis que nous apprenons par l’experience que c’est d’elles que toutes les plus belles pensées que les hommes ont, prennent leur naissance, et que c’est vers elles qu’elles courent, et en elles qu’elles se terminent. Et qui doutera qu’elles ne soient le vray moyen pour parvenir à ces pures pensées, et que Dieu ne nous les ait proposées en terre pour nous attirer par elles au Ciel, où nos druides nous disent devoir estre nostre eternel contentement ? Quant à moy, je l’avoue, je le croy, et je suis prest à le maintenir jusques à la fin de ma vie, mais que pour cela vous deviez estre plus aimée de ma maistresse, ô bergere ! rayez cette opinion de vostre creance, tant s’en faut, je croy qu’il doit faire un contraire effect.
Nous avons dit que, quand quelque chose faict tout ce que la nature luy permet de pouvoir faire, et qu’elle s’esleve à toute la hauteur où elle peut naturellement se hausser, elle est grandement estimable ; et maintenant je dis que celuy qui fait moins que ce que naturellement il peut faire, doit estre beaucoup plus blasmé, et mesme quand c’est une chose de soy-mesme louable, que si par la naturelle impuissance il laisse de la faire. Par cette raison, comment, bergere, ne serez-vous bien fort taxée, estant née fille, qui est un sexe si parfaict,