Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/896

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour quelque divertissement qui se puisse presenter.

Que si vous dites que ces pensées sont bien incapables et bien inutiles pour la servir, puis que ce ne sont que des imaginations, ah ! bergere, prenez garde que par mesme moyen vous ne blasmiez ces intelligences qui n’adorent le grand Tautates qu’avec la pure pensée, et qui continuellement ne parlent et ne conversent avec luy que par la voye de la contemplation ! Et vous semble-t’il que le moyen avec lequel je suis aupres de Diane soit inutile, et tant incapable de la servir, puis que je la sers et l’adore en terre comme ces pures pensées servent et adorent le grand Tautates dans le Ciel. Ce seroit un blaspheme de le penser, et plus grand encore de le dire, et duquel je m’asseure vous ne demeureriez pas longuement impunie.

Vous voyez donc, ô Phillis, combien cette raison que vous avez alleguée est meilleure pour moy que pour vous ; croyez que celle que vous dites de l’avantage du sexe duquel vous estes favorisée par-dessus le mien, n’est pas moins confusion. Car j’advoue, et je l’advoue avec verité, que les femmes sont veritablement plus pleines de merite que les hommes, voire de telle sorte que, s’il est permis de mettre quelque creature entre ces pures et immortelles intelligences, et nous, je croy que les femmes y doivent estre, parce qu’elles nous surpassent de tant en perfection, que c’est en quelque sorte leur faire tort que de les mettre en un mesme rang avec les hommes,