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n’observent-elles pas cette loy de nature ? La palme peut-elle estre contente qu’elle ne soit aupres du palmier ? Et si elle en est esloignée, d’autant qu’elle est attachée par les racines, et qu’elle ne peut s’en approcher, on la void pancher et ses branches et tout le tronc du costé où il est, et où elle voudroit bien aller, s’il luy estoit permis.

Ce n’est donc pas, ô Phillis, par les loix de la nature, comme vous dites, que Diane vous doit aymer plus que moy, car si elle les vouloit suivre, elle ne tourneroit pas seulement les yeux de vostre costé. Que si toutesfois vous voulez qu’il soit ainsi, je vous accorde, bergere, qu’elle vous ayme comme fille, mais consentez aussi qu’elle m’ayme comme son serviteur. Vous ne pouvez pas y contredire, car il n’est pas plus vray que vous estes fille, qu’il est tres-certain que je suis son serviteur, ny il n’est pas plus naturel qu’une fille aime une fille, que chacun aime celuy qui l’aime ; par ainsi, et vous et moy, aurons obtenu ce que nous demandons. Mais je voy bien que maintenant vous changerez d’opinion, et que sans plus recourre à cette amitié naturelle, puis qu’elle ne peut estre à vostre advantage, vous rechercherez celle qui vient de l’eslection. Et d’effect voilà qu’incontinent vous dites qu’elle vous doit aimer plus que moy, parce que l’ordinaire conversation que vous avez avec elle, plus estroitte que je n’ay pas, augmente l’amour, soit parce que les perfections de la personne aimée sont