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le cœur plein d’amour, et qu’à tous propos vous la nommerez nostre maistresse, cela ne soit tres-veritable, puis que c’est un tesmoignage que je n’ay point mendié, et qui par consequent ne luy peut estre suspect.

Et ne faut que pour fuyr la rigueur de l’equité qui est en elle, recognoissant le peu de raison que vous avez de debattre ceste gloire, avec moy, vous recouriez aux faveurs que la nature vous a faictes, alleguant que, comme fille, elle doit plustost aymer une fille qu’un berger, et qu’en cette qualité vous avez de l’advantage par dessus moy. Car au contraire il est bien plus naturel à une fille d’aymer un berger, que non pas une autre fille comme elle, et d’effect, si nous voulons rechercher les loix que la nature nous donne, nous les trouverons tousjours exactement observées parmy les animaux, qui n’usent pour leur conservation que de ces seules ordonnances. Que si nous voulons considerer ce qu’ils font, avec qui est-ce que la genice contracte amitié ? choisit-elle dans tout le troupeau une autre genice comme elle, pour belle qu’elle puisse estre ? La colombe s’allie-t’elle avec une autre colombe ? Mais la tourterelle, de qui regrette-t’elle la perte d’un eternel veufvage ? n’est-ce pas de celuy à qui dés le commencement elle s’est appariée ? Vous le sçavez, Phillis, aussi bien que moy, et l’experience ordinaire vous empesche d’en douter. Mais les choses plus insensibles