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Si est-ce, adjousta Phillis, qu’il y a bien de la difference, et mesme selon ce que je vous en ay ouy dire autresfois ; car j’entendois que vous aimiez Diane, si on me disoit qu’elle fust en vostre cœur, et qu’elle vous ayme, si l’on disoit que vous fussiez dans le sien. – A parier, dit Silvandre, avec le commun, on l’entend comme vous le dites, mais quand on discourt avec les personnes un peu mieux entendues, l’un signifie l’autre. Et en voicy la raison. Estre en quelque lieu s’entend de deux sortes : l’une, quand le corps occupe une place, et lors la surface de la chose contenue est le lieu ; l’autre, c’est quand l’ame, qui est toute spirituelle, agit en quelque lieu. Car rien ne pouvant agir immediatement en quelque lieu qu’il n’y soit, il s’ensuit que, si mon ame agit de cette sorte dans le cœur de Diane, qu’elle y est. Or si, comme nous avons dit autresfois, l’ame vit mieux où elle ayme, que où elle anime, puis que le vivre est une action immediate de l’ame, il s’ensuit que si j’ayme Diane, je suis veritablement en elle.– Cela, respondit Phillis, est un peu bien obscur pour moy, toutesfois encor ne preuveriez-vous par là, sinon que vostre ame y est, et non pas Silvandre. Et par ainsi ma place est encore la meilleure, puis que pour le moins une partie de moy, et celle que j’ay ouy dire estre la plus fertile en passions, qui est le corps, est plus prés que vous n’estes pas. – J’avoue, respondit-il, que du