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d’amour que tous ceux qui ont jamais aimé. Et quand vous me dites que cette Diane est telle que les yeux ne doivent la regarder que pour l’idolatrer, pourquoy ne dites-vous adorer ? puis que s’il y a quelque chose en terre qui pour ses perfections merite les autels et les sacrifices, je croy que c’est cette Diane que je n’idolatre pas comme vous, mais que j’adore pour la vraye Diane en terre, qui esclaire dans la ciel, et qui commande dans les enfers.

Mais quand vous me demandez, d’où vient la temeraire pretention que j’ay d’estre aimé d’elle, et qu’en cela vous me nommez monstre d’arrogance et de presomption, vous faictes bien paroistre que vous scavez fort peu que c’est que l’amour, ny quels sont les effets qu’il produit en ceux qui le recognoissent. Vous m’avez cent fois advoué que l’amour est de soy-mesme bon, et je ne pense pas que vous vueillez maintenant dire le contraire, vostre silence me fait croire que vous y consentez. Et, à la verité, ce seroit autrement contrevenir au jugement de tous ceux qui en ont parlé avec raison, car, si rien ne peut produire que son semblable, amour procedant de cognoissance du bon et du beau, ne peut estre aussi que fort bon et fort beau. Mais ce qui est bon et beau, ne peut-il estre veu et cogneu sans estre aimé ?

Je ne vous estime pas si hors de raison que vous le vueillez dire, mais quand cela seroit, je vous convaincrois par les mesmes paroles