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equité la loy naturelle, que celuy qui faict tout ce qu’il peut n’est obligé à rien d’advantage, et que s’il ne parvient jusques où il seroit necessaire, l’on ne doit pas le luy imputer à quelque faute ou manquement, mais l’attribuer aux ordonnances de la nature qui s’est pleue de les establir de ceste sorte. Et tant s’en faut qu’il soit blasmable pour ce manquement, qu’il est grandement à estimer d’estre parvenu jusques au point que nul autre de son espece ne peut outrepasser, et où il y en a fort peu qui puissent arriver. Si ce point m’est accordé, que je croy, ma belle maistresse, ne me pouvoir estre mis en doute, pourquoy feray-je difficulté de me presenter au throsne de ceste juste amie d’Astrée, encores que je ne puisse attaindre à la perfection que la beauté de Diane demande pour estre dignement aymée, puis que mon affection est veritablement parvenue jusques au terme où jamais autre n’arriva, et que jamais amant n’outrepassera ?

Pourquoy donc, injurieuse Phillis, pensant favoriser et fortifier vos foibles et mal-fondées pretentions, me blasmez-vous sans raison ? puis que si je ne puis aymer avec plus de perfection celles que j’avoue, et que je recognois trop bien en Diane, ce n’est pas ma faute, mais de la nature qui ne m’a voulu donner ny plus d’esprit, ny plus de capacité, et de laquelle toutesfois je