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en dois avoir toute la recompense, puis que c’est moy qui en suis la seule cause ?

Je puis dire avec verité, et vous le sçavez, ma belle maistresse, que sans mes reproches, ceste gageure ne se fust jamais faicte, et ne se faisant pas, eust-il eu ny la volonté ny la hardiesse de vous regarder ? Si donc il veut pretendre quelque grace de vous pour les services que depuis il vous a rendus, n’est-ce pas à moy à qui elle se doit faire, puis que je le vous ay donné tel qu’il est ? C’est donc moy qui avec raison dois pretendre tout ce qu’il vaut, et qu’il merite, et quand il n’y auroit autre occasion pour me donner cette victoire qu’il me debat, je la devrois obtenir par celle-cy, puis que tous les devoirs, tous les soings, et toutes les actions qui le vous peuvent rendre aimable, doivent estre mis en mon conte, et à mon advantage.

Cesse donc, berger, de disputer avec moy une chose que tu cognois bien m’estre deue, et devançant le jugement que tu ne peux eviter, consens que la gloire me soit donnée, que ma fortune, ma condition et mes merites m’ont acquise par dessus toy. Si tu le fais, l’on cognoistra que tu ne t’es mis en cette entreprise que pour passe-temps, et ton esprit et ton jugement paroistront en cette action, et seront jugez de tous pour tres-estimables. Ton esprit, d’avoir sceu si bien déguiser une fausse affection sous les actions et le visage d’une veritable amour ; et ton jugement d’avoir sceu si bien cognoistre l’advantage que j’