Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/880

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Mais dy la verité, Silvandre, ne confesseras-tu pas qu’avant cette gageure, à peine eusses-tu peu discerner le visage de Diane d’avec le mien, ou de quelqu’autre que ce fust des bergeres de Lignon ? Et ne penses-tu point que ces extremes passions que tu presentes en tes discours, ces trespas, ces languissemens, ces transports, et bref, toutes tes folies, ou plustost déguisemens, ne la convient point aussi tost à rire qu’à aymer ? Le voilà, ma maistresse, ce transi d’amour ! le voilà, cet idolatre de vos beautez qui brusle en ses discours et meurt pour avoir trop d’affection ! C’est celuy-là mesme qui, un moment avant nostre gageure, ne sçavoit presque si vous viviez, ou qui pour le moins n’avoit guere plus grande cognoissance de vous, que vostre nom luy en donnoit. Et toutesfois vous l’avez veu en mesme instant bruslant d’amour. Quoy ! bruslant ? mais desja en cendre, voire consumé entierement. Ne faut-il pas plustost rire de cette folie, qu’admirer son affection, ou s’il y a lieu d’admiration en cecy, ne faut-il pas plustost admirer l’asseurance avec laquelle il parle de cette amour, et de laquelle il fait tant de plainte, que de compatir avec luy à ses peines imaginaires ? Mais confessons-luy, encores qu’il y ait quelque estincelle de vostre beauté qui, pour s’en estre trop approché, l’ait veritablement un peu atteint, et que par ce moyen il soit en quelque sorte à vous, n’est-il pas vray que c’est moy qui