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bien d’estre aymées, toutesfois estoit insensible et ne se pouvoit eschauffer à tant de feux, le rencontrant de fortune parmy ces campagnes, elle ne peut s’empescher de venir aux douces reproches avec luy, feignant de croire que, s’il n’entreprenoit point d’en servir quelqu’une, c’estoit faute de courage ou pour recognoistre son peu de merite. Et parce que le berger qui n’avoit ses pensées qu’au plaisir de la chasse, et qu’au soing de ses troupeaux, soustenoit le contraire, et que c’estoit pour avoir de meilleures et de plus douces occupations, il fut condamné par Astrée, Diane et moy qui nous y trouvasmes, de donner cognoissance que, si jusques en ce temps-là il n’auroit rien aymé, ç’avoit esté pour les occasions qu’il avoit alleguées, et non point pour celles que Phillis luy reprochoit. Et Diane luy ayant esté proposée comme bergere, à qui la beauté ne manquoit point pour estre aymée, ny le jugement pour sçavoir cognoistre son mérite, il commença de la servir et rechercher, tout ainsi que s’il en eust esté bien amoureux. Mais Phillis ne s’en alla pas exempte aussi de la mesme peine, parce qu’à la requeste de Silvandre, elle fut en mesme temps condamnée d’aymer et de servir Diane, avec les mesmes devoirs et les mesmes soings que les bergers ont accoustumé de rechercher celles desquelles ils sont amoureux passionnez, afin que trois lunes estans escoulées en cette