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ces brouillons d’amour, car tel peut-on bien nommer ce berger, qui nous vient embrouillant l’esprit par ses resveries.

Chacun se mit à rire de la colere de Hylas, et luy, sans s’arrester aux autres, se retournant vers Silvandre : Penses-tu que je ne sois point entré, dit-il, dans ce bois, pour estre plus religieux que parfaict amant ? – Lequel, respondit Silvandre, veux-tu que je croye ? – Lequel que tu voudras, repliqua Hylas. – Or je diray donc, reprit Silvandre, que, non point pour estre religieux, mais pour avoir peur du chastiment, tu n’as osé entrer en ce lieu sacré, non plus à ce coup que la premiere fois que nous y fusmes. – Je ne veux pas desavouer, respondit Hylas, que je ne craigne la main d’un dieu courroucé ; mais je dis bien que, quand cela seroit, ma crainte est plus estimable que ton outrecuidance, car ne sçais-tu pas qu’il n’y a personne qui ne soit atteinte de quelque imperfection de l’humanité. Hé ! mon amy, penses-tu estre si parfaict qu’il n’y ait point de souilleure en toy ? Et cela estant, avec quelle effronterie oses-tu mettre le pied dans ce lieu deffendu ? – Je confesse, respondit Silvandre, que ce que tu dis de l’imperfection humaine est en moy, mais non pour cela en toutes les autres personnes qui vivent, estant tres-asseuré, qu’il y en a en ceste compagnie qui sont sans imperfection. Mais cela ne me peut empescher l’entrée de ce lieu sainct,