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Chacun se mit à rire des propos d’Hylas. Et Tircis prenant la parole : Je voy bien, luy dit-il, Hylas, que tu ne seras jamais celuy qui fera bastir un temple à la Fortune, parce que mal-aisément en auras-tu jamais affaire. – Et moy, dit Hylas, je voy bien que tu seras celuy que les vieilles et mal-faictes adoreront. – Et pourquoy ? demanda Tircis. – Parce, respondit Hylas, que pour convier les amants à les servir laides et ridées, elles te proposeront comme un dieu, toy, dis-je, qui es si hors de sens que de t’opiniastrer à aimer ce qui n’est plus. – Tu es inhumain, Hylas, de representer à l’affligé avec des reproches le subject qu’il a de tristesse. Mais soit ainsi que je sois estimé de ces vieilles, desquelles tu parles, et proposé comme un dieu, hé ! mon amy, quel mal y a-t’il en cela pour moy ? ne vaut-il pas mieux estre creu un dieu que d’estre tenu pour inconstant ? Et quoy ? Hylas, les autels et les sacrifices ne sont-il pas agreables aux dieux mesmes que nous adorons ? et pourquoy les hommes les refuseront-ils ? – Et penses-tu, Tircis, respondit Hylas, que je n’aye pas à l’advenir aussi bien des autels, et des sacrifices que toy ? Si auray, pour certain, car je me veux rendre plus adorable que toy. Mais il n’y aura que cette difference que tu seras le dieu des vieilles et des laides, et moy, celuy des jeunes et des belles ; et par ainsi les sacrifices qui te seront faits, seront rances et chassieux, et les miens, jeunes et