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ces choses : N’est-ce pas, disoit-il, en branslant la teste, la plus entiere folie qui fut jamais, que celle de tous trois ? Cryseide, par sa sottise, au lieu de royne, demeure simple fille dans son pays, Arimant, par sa folie, s’opiniastre à la recherche de ceste Cryseide, perd son temps, est blessé, et conduit prisonnier, et en fin apres tant de peines et d’extremes perils, le voilà prest à finir honteusement ses jours, si la fortune ne se fust lassée de le tourmenter, et si le roy Gondebaut ne se fust monstré plus courtois et religieux de sa parole, que l’un et l’autre n’estoit fol. Et le bon est que le pauvre Bellaris qui n’en pouvoit pas mais, faillit de payer pour tous. Et ne valoit-il pas mieux que, sans se donner tant de peine, les uns aux autres, Cryseide fust royne des Bourguignons, puis que, possedant le cœur de Gondebaut, elle eust peu avec le temps et avec la prudence, donner à son Arimant toute la satisfaction qu’il eust sceu désirer ?

Mais, Silvandre scais-tu bien d’où tout leur mal-heur et toutes leurs peines sont procedées ? de cette seule sottise que tu nommes constance : elle seule les a tourmentez tant d’années, elle seule a failly de les conduire si honteusement au supplice, et enfin elle seule les a faict estre le jouet de la fortune et du hazard.

Silvandre, s’oyant nommer, s’approcha de Hylas, et apres, luy respondit : Toutes ces choses que tu racontes, Hylas, sont veritablement des effects de ceste constance que tu blasmes, et