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cela pour monstrer que toute la sagesse humaine est folie au prix de celle du Grand que nous adorons. Et toutesfois, encore que toutes ces choses soient à la confusion de mes desseins, et que je prevoye bien qu’il n’y a plus d’esperance pour moy en cette belle Cryseide, si suis-je contraint d’advouer que c’est avec une tres-grande raison que toutes ces choses ont esté si sagement conduittes. Et je proteste que si j’eusse sceu le commencement et le progrez de cette si grande et si vertueuse affection, j’eusse plustost consenty à ma mort, que de permettre qu’elle pust estre separée à mon occasion.

C’est pourquoy, ô bien-heureux couple d’amans, je vous declare libres, et exempts de toute servitude, soit pour ce qui me concerne, soit pour ce qui touche à Bellimart, pour les raisons qu’a tres-bien deduittes ce fidelle serviteur, auquel de libre volonté et sans obligation je remets aussi l’offense qu’il m’a faicte, plus desireux de rencontrer un semblable amy et serviteur pour moy, qu’un autre royaume egal à celuy que je possede ; vous donnant à tous plein pouvoir de demeurer en mes Estats, ou de vous en aller ainsi que bon vous semblera. Que si toutesfois vous me vouliez donner le contentement de vous veoir mariez avant que de partir, j’estimeray et mon royaume et mes jours tres-honorez et tres-heureux.

A ce mot il commanda qu’Arimant fust destaché, qui à mesme temps se vint jetter à ses genoux,