Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/815

Cette page n’a pas encore été corrigée

à cette heure quelque loy de le demander. Mais s’il ne l’a pas tenu assez asseuré en ton royaume, et qu’il l’ait mener dans celuy des Visigots, quelle raison a-t’il de le vouloir reprendre, maintenant qu’il s’est sauvé comme à garant dans tes Estats ? Et d’autant plus que ta Majesté ayant fait la paix avec tous ces pauvres peuples de la Gaule Cisalpine, il n’y a pas apparence que ceux qui se refugient icy, soient pris entre tes mains comme ennemis. Voilà, seigneur, le dernier service que je pense faire à ce genereux chevalier, auquel je dois encores beaucoup plus que je ne sçaurois luy payer.

Ainsi parla le fidele Bellaris, et avec tant d’affection et de raison, que le roy au commencement confus, puis estonné, et en fin admirant l’amour de Cryseide, la generosité d’Arimant et la fidelité de Bellaris, il se trouva de sorte changé, qu’il dit, apres y avoir quelque temps pensé : Grands sont les jugemens de Tautates, et ses pensées si profondes, que personne mortelle ne les sçauroit sonder ! J’avois esleu cette journée pour celle où je pensois devoir persuader à Cryseide de m’aymer, et voylà qu’au contraire je l’ay conduitte à l’asyle et à la franchise du sepulchre des deux Amants ! J’avois publié une declaration, pensant par mes promesses r’avoir Cryseide perdue, et cette declaration est celle qui me la ravit, et fait perdre entierement lors qu’elle est entre mes mains, et