Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/813

Cette page n’a pas encore été corrigée

telle. Dés mon enfance, j’ay esté nourry et eslevé en la maison de ce noble chevalier, je luy dois tout ce que je puis valoir, j’ay esté tesmoing de la naissance de son affection envers Cryseide, j’y ay contribué et peine et industrie, j’y ay recogneu tant d’honnesteté et tant de vertu, que je croiray de clorre mes jours fort heureusement, si par la grace que je te demande je suis cause qu’ils vivent longuement ensemble. Je penserois estre coulpable d’ingratitude, si pouvant sauver la vie, et l’honneur à celuy qui m’a donné à vivre si longuement, et qui m’a par son exemple enseigné toute chose vertueuse et honorable, je ne le faisois librement. C’est pourquoy je te demande, seigneur, la grace que tu absolves de toutes sortes de peines et de supplices Arimant, et que non seulement tu le mettes en sa pleine liberté, comme il t’a desja pleu de faire Cryseide ; mais, de plus, par une incomparable magnanimité,, tu les fasses marier ensemble, comme desja ils sont espousez par consentement de leurs parents. Et si tu ne veux point que les traicts du courroux que tu avois contre luy tombent en vain, qu’ils soient, seigneur, employez tous sur moy, et adjoustez aux supplices qu’il te plaira de m’ordonner, protestant que la gloire d’avoir faict ce que je dois, me sera si douce que je ne sçaurois ressentir les amertumes des peines, et des travaux qui me seront donnez.

Et parce, seigneur, que j’ay ouy que le vaillant Bellimart pretendoit avoir