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demande-la, et te prepare au supplice de ma juste indignation. – Seigneur, reprit alors Arimant, je n’ay jamais moins espéré d’un si grand roy que tu es. C’est pourquoy librement je me remets entre tes mains, sans craindre ny tes supplices, ny tes tourments, pourveu qu’auparavant je voye effectuer la grace que je te demande. – Or sus, dit le roy, demande hardiment ; je te promets de te l’accorder par les mesmes serments ausquels je me suis desja obligé. – Seigneur, repliqua alors Arimant d’une voix plus haute, je te demande en grace que Cryseide que je voy là embrasser le tombeau des deux Amants, et qui maintenant est ta prisonniere, soit remise en liberté, et renvoyée par toy en toute asseurance à ses parens, sans que ny toy, ny autre quelconque luy puisse faire force, ny la retenir contre sa volonté. – O dieux ! s’escria le roy, quelle malheureuse journée est celle-cy pour moy ! Faut-il donc que moy-mesme je sois cause de mon mal et que pour l’avoir imprudemment promis, je doive estre parjure, ou vivre le plus miserable prince de l’univers ?

Et là, demeurant quelque temps sans parler, en fin enflammé d’extreme colere, et ayant honte qu’en la presence de tout le peuple, on le peust accuser d’avoir rompu sa foy, il resolut de la maintenir, mais de saouler son courroux sur Arimant. Et pource, les yeux enflammez de furie ; Je déclare, dit-il, que Cryseide est libre, et deffends sur peine de ma disgrace, qu’il y