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quelque peine que je te vueille requérir, mais seulement qu’en observant ta parole à laquelle tu es obligé par le Grand que tu adores, par l’ame de ton pere de glorieuse memoire, et par la majesté de ta couronne, tu m’octroyes une autre grace que je te demanderay.

Le roy demeura estonné de la resolution de cet homme, et s’estant reculé un pas ou deux : Estranger, luy dit-il, n’es-tu point hors du sens de parler de cette sorte ? ou comment peux-tu avoir esté la cause que Cryseide se soit sauvée ? – Seigneur, répliqua-t-il, je m’appelle Arimant, et suis cet heureux chevalier que cette belle fille a dit avoir tant aymé et aymer encores. Je fus pris quand elle fut faicte prisonniere, et ma fortune fut en cela telle que je fus conduit prisonnier aupres de la ville de Gergovie, où je trouvay le moyen de luy faire sçavoir de mes nouvelles. Elle qui pensoit que je fusse mort, soudain qu’elle sceut que j’estois en vie, delibera de se sauver et de me venir ayder à sortir du lieu où j’estois detenu ; elle executa sa deliberation, et fut depuis cause de me mettre en liberté. Tu vois donc, seigneur, que veritablement je suis cause qu’elle s’est sauvée, et que me declarant à toy, tu es obligé pour n’estre parjure, de m’accorder la grace que tu m’as promise. Le roy, d’un costé estonné de ceste resolution, de l’autre, offencé, en ce qu’il luy sembloit d’estre mesprisé par cet estranger : Ouy, dit-il, il est vray ; je te dois faire la grace,