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arracher de là.

Toute l’assemblée demeura infiniment estonnée, oyant et voyant la resolution de cette fille, mais sur tous le roy se trouva confus de cet accident, parce qu’il estoit vray que ce sepulchre des deux Amants estoit un asyle pour tous ceux qui s’y retiroient, et qui recevoient outrage en ce qui estoit de l’amour, et si religieusement observé que le pere ny la mere mesme n’en pouvoient retirer leurs enfans, quand ils en tenoient l’un des coins. Le roy qui n’eust jamais imaginé que Cryseide s’en fust voulu servir, ny seulement, pour estre estrangere, qu’elle le sceust, n’y avoit point pensé, mais la voyant en cet estat, il ne sçavoit à quoy se resoudre : de laisser cette fille en liberté, il ne le vouloit point, de rompre les privileges de cet asyle, il ne l’osoit, fust qu’il craignit le chastiment des dieux, ou qu’il redoutast le tumulte du peuple. Enfin, ayant quelque temps consideré et debattu en soy-mesme, il se resolut de la ravir de là, sans avoir esgard ny au lieu ny à l’assemblée, s’asseurant, sur les forces qui estoient autour de luy, qu’il contiendroit le peuple en son devoir, et que pour ce qui estoit des dieux, il les adouciroit par des sacrifices, et par toute sorte de devoirs.

En cette deliberation, il s’avança pour l’aller prendre luy-mesme, et elle, le voyant venir, se fust donné à l’heure mesme du couteau dans le sein, si tous les vacies en s’eslevant ne se fussent opposez au roy, luy remonstrant