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leur alliance.

Elle, qui jusqu’alors avoit esperé en la justice de ce Dieu incogneu, et qu’il donneroit cognoissance en quelque sorte du contraire, se voyant frustrée de son attente, ne scavoit plus à quoy recourre sinon au desespoir. Et en ceste resolution, elle feignit de vouloir elle-mesme recognoistre les entrailles des victimes, et demanda qu’on luy permist de s’en approcher. Le roy qui estoit tres-asseuré du rapport des vacies, en fut tres-aise, pensant que cette veue ne pouvoit que luy persuader ce qu’il desiroit, par la cognoissance qu’elle auroit de la volonté des dieux. Et ainsi, luy faisant ayder à descendre, elle vint sur le lieu du sacrifice, se fit monstrer curieusement le foye, le cœur, et le reste des parties nobles. Et cependant que les sacrificateurs s’amusoient : à les luy faire bien voir, elle se saisit du couteau encore sanglant, duquel on avoit esgorgé les victimes, et puis s’encourant vers le tombeau des deux Amants, se prit à l’un des coings ; et lors, haussant le couteau, avec un visage tres asseuré, elle dit fort haut : Voy-tu, magnanime prince, ce couteau que je tiens en la main ? C’est pour me le mettre dans le cœur si quelqu’un se hazarde de me vouloir prendre à force.

Et lors, tournant la poincte contre son estomac, elle continua en cette sorte :