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qu’elle ne receust que toute sorte de service et de courtoisie, et le contentement qu’il receut de l’avoir trouvée fut tel, qu’il en fit faire des feux de joye et des resjouyssances si grandes que chacun s’en estonnoit.

Cependant, Bellaris, s’estant sauvé à moitié deschiré des ronces, et cassé en plusieurs lieux des diverses cheutes qu’il avoit faites, s’en vint tout effroyé donner ces mauvaises nouvelles à son maistre, qui demeura si surprins d’estonnement, et si outré de douleur, qu’il ne sceut jamais luy dire une seule parole, mais s’abouchant sur un lict, y demeura jusques à la nuict, sans qu’il voulust jamais respondre à Bellaris, quelque parole de consolation qu’il luy peut dire. Apres, s’estant deshabillé, il se mit dans le lict sans vouloir manger, où il reposa fort pour toute la nuict. En fin le matin il appella Bellaris, et luy commanda de s’en aller à Lyon, et de sçavoir des nouvelles de Cryseide, et du traittement qu’on luy faisoit. Le fidele serviteur, quoy qu’il y eust beaucoup de danger pour luy, se desguisant le mieux qu’il pût, ne manqua point d’obeyr à ce qu’il luy avoit commandé. Et d’abord qu’il fut arrivé, il n’eut pas beaucoup de peine de s’en enquerir, parce que toute la ville estoit pleine de Cryseide, et des faveurs que le roy luy faisoit, estans telles que l’on croyoit asseurément qu’il l’espouseroit, quoy qu’elle en fist beaucoup de difficulté,