Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/782

Cette page n’a pas encore été corrigée

luy jettant les bras au col, et joignant sa bouche à la sienne, elle y demeura si longuement qu’il sembloit qu’elle eust perdu le souvenir de s’en oster. Quant au chevalier, il estoit si plein de joye de voir sa chere Cryseide entre ses bras, qu’il la serroit de sorte contre son estomac, qu’il sembloit qu’il la voulust estouffer. Clarine ayant refermé la porte y estoit accourue, et les regardant et considerant ensemble, demeuroit immobile, si ravie d’admiration, qu’elle ne sçavoit si c’estoit songe ou verité. Et apres avoir demeuré quelque temps de cette sorte, elle alla ouvrir les fenestres, et puis s’en revint vers eux qu’elle trouva encore embrassez et ravis. Alors craignant presque qu’ils ne mourussent d’aise, les esveillant, elle les contraignit de reprendre haleine, et de se separer pour quelque temps ; mais incontinent apres, se reprenant, ils ne pouvoient se saouler de se baiser et de se caresser. Et c’est sans doute qu’ils n’eussent pas finy si promptement, n’eust esté qu’ils ouyrent heurter à la porte de la chambre. Clarine les en advertit, qui ne fut pas un petit trouble, et pour l’un et pour l’autre, ne se pouvant imaginer que quelqu’un qui ne fust pour leur nuire, vinst à ces heures les trouver.

Arimant se releva, et mettant la main sur son espée, s’en va à la porte pour l’ouvrir. Ce fut bien la plus grande surprise pour le chevalier qu’il eust encore eue, car il se vit Bellaris au devant, lorsqu’il l’esperoit et qu’il y pensoit le moins :