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ceux qui portoient lettres de luy ; et tournant la teste de l’autre costé du lict, il se rendormit d’aussi bon sommeil qu’il avoit faict de toute la nuict.

Ainsi Bellaris sortit du chasteau, et prenant le chemin de Gergovie, usa de si grande diligence qu’il sembloit qu’il eust des aisles aux pieds ; mais cependant son maistre estant arrivé avant que luy et trouvant l’hostellerie, il alla frapper à la porte de la chambre de Cryseide qui, ne dormant que d’un fort leger sommeil, l’ouyt incontinent et appella Clarine pour sçavoir que c’estoit. Elle qui d’autre costé vivoit avec une grande peine, se jetta à bas du lict, mettant sa robe sur ses espaules, courut ouvrir la porte, du commencement n’ayant pas encore les yeux bien ouverts : Tu sois le bien venu, Bellaris, luy dit-elle, nous t’avons longuement attendu. Et Cryseide impatiente luy demandant qui c’estoit : C’est, dit-elle, madame, Bellaris qui veut entrer. – Et laissez le venir vistement, dit Cryseide, peut-estre nous apportera-t’il quelques bonnes nouvelles. – Ouy, madame, dit Arimant, je vous en apporte de fort bonnes. Cryseide oyant et recognoissant ceste voix : Mon Dieu, dit-elle en sursaut, et se relevant sur le lict, c’est là la voix d’Arimant ! Et tirant le rideau, elle le vit qu’il s’estoit desja mis à genoux au chevet de son lict.

Jugez, madame, quelle surprise fut celle-là et quel excez de contentement ! Il fut bien tel que