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comme chacun s’essaye de prolonger sa vie le plus qu’il luy est possible, voyant que son maistre estoit sauvé, il se resolut d’essayer d’en faire de mesme. Il tourne donc les chausses d’Arimant à la renverse, et le pourpoint aussi, accommode son chapeau le plus ressemblant qu’il peut à celuy qu’il souloit avoir, et de fortune trouve encores son propre manteau qu’Arimant à son depart avoit oublié, ou peut-estre laissé expres pour mieux marcher à pied. Bref, il s’ageance le mieux qu’il peut, et avec un visage asseuré se presente à la porte pour sortir. Le sergent qui y commandoit la luy refuse, disant qu’il en estoit desja sorty un, et qu’il n’avoit commandement que pour celuy-là ; mais Bellaris monstrant la lettre qui s’addressoit à Bellimart, et la main du capitaine estant recogneue par tous ceux qui estoient à la porte, ils furent d’advis de le laisser sortir.

Le sergent seul qui estoit opiniastre, et qui desiroit de faire sa charge exactement, ne le voulut faire sans un autre commandement, et ainsi remettant Bellaris entre les mains d’un soldat, luy ordonna de le mener vers le capitaine, et sçavoir de luy sa volonté. Le soldat, n’y manqua point ; mais parce qu’il estoit encores matin, et que Bellaris et le soldat, disputans à la porte de la chambre du capitaine, l’esveillerent, il se mit en si grande colere contre le sergent, qu’il le menaça de le faire chastier, pour luy apprendre de laisser sortir