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donner ordre à tout ce qui estoit necessaire, de sorte que le jour estant venu, et oyant ouvrir les portes, apres qu’Arimant eut embrasse cent fois ce fidelle serviteur, et non point sans avoir les larmes aux yeux, se recommandant à Mercure, il se mit en chemin, promettant à Bellaris qu’il auroit bien tost de ses nouvelles, et que quand il devroit employer tout ce qu’il avoit, il le mettroit hors de la peine où il le laissoit maintenant, et avec un extreme regret. Il se presenta pour sortir avec une grande crainte d’estre recogneu à la porte, parce qu’encor qu’il eust les habits de Bellaris, il luy ressembloit fort mal, estant beaucoup plus grand et ayant le visage si dissemblable, qu’il estoit impossible de prendre l’un pour l’autre, pour peu qu’on y prit garde. Toutesfois il sortit sans difficulté, parce qu’il estoit encores fort matin, et qu’ayant eu le commandement de le laisser sortir, ils n’y regarderent pas de plus pres.

Or Bellaris, par la fenestre de la chambre, l’accompagna de l’œil jusques à ce qu’il le vit fort avant dans la plaine, et remarqua bien qu’Arimant tournoit à tous coups les yeux du costé du chasteau pour voir si l’on le suivoit. Enfin l’ayant perdu de veue, ce fut alors que le danger où il s’estoit mis luy revint devant les yeux, et luy representa vivement l’horreur de la mort. Si est-ce que de quelque costé qu’il la peust considérer, il luy fut impossible de regretter ce qu’il avoit faict, ny d’en estre marry ; et toutesfois,