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heure, il ne peut gueres retarder.

Mais soudain que ce capitaine les eut laissez seuls, Bellaris met un genouil en terre, prend la main de son maistre, et la luy baise, et avec un visage riant : Seigneur, luy dit-il, vous estes mal satisfait de mon voyage, mais quelle seroit la meilleure nouvelle que je vous pourrois donner ? – Que Cryseide, respondit le chevalier, se portast bien en sa prison, et qu’elle m’aimast tousjours. – Et si je la vous donne meilleure, repliqua Bellaris, serez-vous content de moy ? – Et qu’est-ce, dit le chevalier en sousriant, que tu peux me dire de plus ? – Je vous diray, reprit-il, que non seulement Cryseide se porte bien, et qu’elle vous aime plus que jamais, mais de plus qu’elle est en liberté, encore d’avantage, qu’elle vous est venue trouver, et qu’elle est avec Clarine dans Gergovie, qui vous attend. – Ah ! Bellaris, me dis-tu la verité ? s’escria le chevalier. – Pensez-vous, respondit le fidele serviteur, que je voulusse mentir ? – Il faut bien, dit-il, haussant les yeux au ciel, et joignant les mains, il faut bien, ô dieux ! que vous ayez eu agreables les vœux et les supplications de mon pere, puis qu’il vous plaist de me faire une si grande grace.

Et puis se tournant à Bellaris : Mais, amy, est-il possible que cela soit, et comment tant de bon-heur me peut-il estre arrivé tout à la fois ? – Seigneur, luy respondit-il, ne doutez point de ce que je vous ay dit, et pour vous tesmoigner et